Appel à communications
Colloque PROTAGORAS 2022
« Les sondages comme outil de légitimation (du) politique »
Profondément politiques, tant dans leur élaboration et leurs effets, les sondages fournissent un outil de communication voire un dispositif symbolique (Blondiaux, 1998 ; Champagne, 2015) sur lequel, candidats, dirigeants et journalistes s’appuient pour parler au nom des citoyens. « L’opinion » ainsi mobilisée tire sa force performative d’une mesure à prétention « scientifique » : un pourcentage énoncé par des sondages (Aldrin & Hubé, 2017) permettant à des estimations d’être perçues comme des informations fiables et incontestables (Grunberg & Mayer, 2014). Soumis à une logique commerciale et concurrentielle, les sondages s’opposent autant d’un point de vue méthodologique que téléologique – l’un des principaux écueils consistant notamment à corriger leurs biais innés (Knobloch-Westerwick et al., 2020) les angles morts des personnes qui élaborent et exploitent les sondages dans le but de nourrir une stratégie de campagne ou de justifier une prise de position publique (Corzine & Woolley, 2018).
Si les grands échecs sondagiers parlent d’eux-mêmes (Giuliani, 2018), les sondages peuvent servir à des fins d’instrumentalisation, voire de manipulation de l’opinion publique (Maquis, 2005). La légitimité des sondages est régulièrement remise en cause, suscitant soupçons (par ex. : le financement de sondages partiellement manipulés servant un intérêt politique exclusivement partisan, à l’instar du récent scandale des sondages truqués en Autriche) et méfiance (par ex. : la fronde de certaines rédactions – à l’instar du journal Ouest France – estimant que ceux-ci sont préjudiciables au vrai débat).
Ce colloque s’inscrit dans un contexte équivoque de « doxophrénie » (le recours et le besoin compulsif de quantifier les opinions) et de défiance accrue (en ce compris de la part des acteurs politiques) envers la pratique des sondages. Nous invitons les contributeurs à appréhender la question des sondages d’opinion par le double prisme de la légitimé et de la légitimation et comme instrument au service de la communication politique : l’expertise sondagière entre prédiction et prescription.
Les discussions s’articuleront autour de trois axes thématiques :
1. La réception des sondages par les acteurs du champ médiatique
Les sondages circonscrivent et pèsent sur les dynamiques électorales et autres événements politiques. Traitées comme « sujet d’actualité́ », les enquêtes d’opinion dictent le tempo des campagnes et favorisent notamment l’effet de « priming » (Scheufele, 2000 ; Tewksbury & Dietram, 2007 ; Tryggvason, 2021). La « caisse de résonance » (Kessler, 2002) offerte par les médias garantit ainsi aux sondages d’opinion un rôle central dans la définition du débat public contemporain et dans la mise en récit des campagnes électorales. Du reste, les résultats de sondages participent au « framing » (cadrage) des enjeux ou controverses politiques » (Herbst, 1998 ; Entman, 2007). Par conséquent, ce premier axe s’intéresse aux interactions entre sondeurs, équipes de campagne et acteurs du champ médiatique. Il propose d’examiner la responsabilité des médias dans la fabrique de l’opinion politique. Comment les différents partis politiques sont-ils représentés par rapport aux sondages publiés ? Quels changements de perception se produisent chez les électeurs ?
2. L’instrumentalisation des sondages par la communication politique
La communication politique utilise les sondages d’opinion comme une arme de persuasion massive (Jacobs & Shapiro, 1995 ; Brochot, 2013). Tirant profit de, ou contestant leur classement dans les sondages, certains candidats s’étiquettent comme frontrunners ou outsiders pour convaincre les électeurs (Chou, 2019). Ce second axe propose ainsi de se pencher sur le rôle déterminant du commanditaire et de la marge de manœuvre interprétative laissée à ce dernier. Comment les partis, soutiens et communicants arrivent-ils à imposer un cadre d’interprétation favorable pour leur candidat en fonction des résultats d’enquêtes d’opinion ? Plus généralement : comment la mobilisation des sondages s’inscrit-elle dans les stratégies de communication des candidats et à quelles limites se heurte-t-elle ?
3. Le rôle de l’Eurobaromètre
Outre leur impact déterminant sur processus électoraux à l’échelon national, les données d’opinion constituent une ressource essentielle dans la légitimation du projet politique européen dans son ensemble. Malgré une méthodologie rigoureuse, la production et l’usage des données d’opinion par et pour l’UE subsistent un certain nombre de questionnements ; compte tenu de certains raccourcis heuristiques (Gaxie et al., 2011) et de la dimension diachronique de ces sondages (Aldrin, 2010) ou en raison d’un biais cognitiviste inhérent (Aldrin, 2009). Ainsi, le troisième axe s’intéresse à l’Eurobaromètre comme outil de légitimation du projet politique européen. Quelles représentations les données de l’Eurobaromètre véhiculent-elles du projet politique européen et de la place du citoyen et quelles sont leurs limites ?
Le colloque proposera des panels séparés en français et en anglais
LE COLLOQUE SERA SUIVI D’UNE PUBLICATION DANS LES
« CAHIERS PROTAGORAS » (Éditions L’Harmattan)
Procédure de soumission
Les propositions (en format Word ou PDF) devront comporter :
- Dans un fichier séparé : le nom, le statut professionnel ou académique, le rattachement institutionnel, les coordonnées du ou des auteurs (adresses électronique et postale).
- Le titre de la communication (maximum 180 caractères espaces comprises).
- L’axe du colloque dans lequel s’inscrit la communication.
- Un résumé de 500 mots (références non comprises) faisant ressortir l’intérêt de la contribution et comportant un aperçu de la problématique.
- Les propositions de communications peuvent se présenter soit comme des analyses réflexives fondées sur des recherches empiriques récentes et achevées, soit comme des analyses de pratiques professionnelles en communication.
Les propositions doivent nous parvenir avant le 29 avril 2022 par voie électronique à l’adresse suivante : conference@protagoras.be.
Après un examen des propositions en double aveugle par le comité scientifique, le comité d’organisation remettra son avis aux auteurs d’ici le 13 mai 2022.
Modalités pratiques
Dates du colloque : 9 et 10 juin 2022
Partenaires
Comité d’organisation
Nicolas BAYGERT
IHECS-Protagoras, Sciences Po (IEP Paris) & Université Libre de Bruxelles.
Baptiste BUIDIN
IHECS-Protagoras Research Fellow, Université Libre de Bruxelles.
Thierry DEVARS
CELSA Sorbonne-University, (GRIPIC).
Esther DURIN
Applied Research Coordinator (IHECS), Université Paul-Valéry (Praxiling).
Isabelle LE BRETON FALEZAN
CELSA Sorbonne-University, (GRIPIC).
Élise LE MOOING-MAAS
President of the IHECS PR Section, Université Rennes 2 (PREFics).
Loïc NICOLAS
IHECS-Protagoras Research Fellow.
Gisela REITER
FHWien der WKW University of Applied Sciences for Management & Communication.
Uta RUSSMANN
University of Innsbruck.
John VANDENHAUTE
Research & Development Coordinator, IHECS-Protagoras.
Comité scientifique
Nicolas Baygert
IHECS-Protagoras, Sciences Po (IEP Paris) & Université Libre de Bruxelles.
Vincent Carlino
Université catholique de l’Ouest (UCO), Nantes.
Lucie Château
Tilburg University.
Anne-Marie Cotton
Haute école Artevelde de Gent, Université Bordeaux Montaigne (MICA)
François Debras
Université de Liège (HELMO).
Lucile Desmoulin
Université Paris-Est Marne-la-Vallée (DICEN-IDF)
Thierry Devars
CELSA Sorbonne-University, (GRIPIC).
Charles Devellennes
University of Kent
Esther Durin
IHECS-Protagoras, Université Paul-Valéry (Praxiling).
Helen Etchanchu
Montpellier Business School
Alexandre Eyries
Université de Bourgogne (Ciméos)
Adrien Jahier
IHECS-Protagoras Research Fellow.
Amanda Klekowski von Koppenfels
University of Kent (BSIS).
Alexander Kondratov
Université Libre de Bruxelles (ReSIC), IHECS.
Isabelle Le Breton Falezan
CELSA Sorbonne-University, (GRIPIC).
Élise Le Moing-Maas
IHECS-Protagoras, Université Rennes 2 (PREFics).
Brieuc Lits
Université Saint-Louis – Bruxelles
Philippe Marion
Université Catholique de Louvain (ORM)
Loïc Nicolas
IHECS-Protagoras Research Fellow.
Alvaro Oleart
Vrije Universiteit (VU), Amsterdam.
Uta Rußmann
University of Innsbruck.
Kelly Céleste VOSSEN
Université Saint-Louis, Bruxelles
Références
Aldrin, P. (2009). L’Union Européenne face à l’opinion. Construction et usages politiques de l’opinion comme problème communautaire, Savoir/Agir,1 (7), p. 13-23.
Aldrin, P. (2010). L’invention de l’opinion publique européenne. Genèse intellectuelle et politique de l’Eurobaromètre (1950-1973). Politix 1(89), p. 79-101.
Aldrin, P.,& Hubé, N. (2017) Introduction à la communication politique. Louvain-la-Neuve : De Boeck Supérieur.
Belot, C., Boussaguet, L. & Halpern, C. (2016). La fabrique d’une opinion publique européenne : Sélection, usages et effets des instruments. Politique européenne, 54, 84-125.
Blondiaux, L. (1998). La fabrique de l’opinion. Une histoire sociale des sondages. Paris : Seuil.
Brochot, V. (2013). Le sondage d’opinion : attribut de la démocratie ou manipulation de l’opinion. Pouvoirs, 145, 141-154.
Champagne, P. (2015). Faire l’opinion : le nouveau jeu politique. Paris : Minuit.
Chou, H.-Y. (2019). Labeling candidates as underdogs in political communications: The moderation of candidate-related factors. Electoral Studies, 59, 120–135.
Corzine, J.S., & Woolley, P.J. (2018). In Defense of Polls, Though Not Necessarily Pollsters, Pundits or Strategists. Political Science and Politics, 51(1), pp. 159-164.
Entman, R. M. (2007). Framing bias: Media in the distribution of power. Journal of communication, 57(1), 163-173.
Gaxie, D., Hubé, N., De Lassalle, M., et Rowell, J. (2011). L’Europe des Européens. Enquête comparative sur les perceptions de l’Europe. Economica, coll. « Etudes Politiques ».
Grunberg, G., & Mayer, N. (2014). L’effet sondage. Des citoyens ordinaires aux élites politiques. In: Y. Déloye et al., Institutions, élections, opinions (pp. 219-236), Paris : Presses de Sciences po.
Giuliani, M. (2018). Making sense of pollsters’ errors. An analysis of the 2014 second-order European election predictions. Journal of Elections Public Opinion and Parties, 1-17.
Herbst, S. (1998). Reading Public Opinion. How Political Actors View the Democratic Process. Chicago : The University of Chicago Press.
Jacobs, L.R. & Shapiro, R.Y. (1995). Presidential Manipulation of Polls and Public Opinion: The Nixon Administration and the Pollsters. Political Science Quarterly, 110(4), 519–538.
Kessler, E. (2002). « La folie des sondeurs. De la trahison des opinions ». Paris : Denoël.
Knobloch-Westerwick, S., Mothes, C., & Polavin, N. (2020). Confirmation Bias, Ingroup Bias, and Negativity Bias in Selective Exposure to Political Information. Communication Research, 47(1), 104–124.
Marquis, L (2005). Sondages d’opinion et communication politique. Les Cahiers du CEVIPOF, 38, Centre de recherches politiques de Sciences Po.
Scheufele, D.A. (2000). Agenda-Setting, Priming, and Framing Revisited: Another Look at Cognitive Effects of Political Communication. Mass Communication & Society, 3(2-3), 297-316.
Scheufele, D.A., & Tewksbury, D. (2007). Framing, Agenda Setting, and Priming: The Evolution of Three Media Effects Models. Journal of Communication, 57(1), 9–20.
Tryggvason, O. (2021). The Winner-Loser Spiral in Political News Coverage: Investigating the Impact of Poll Coverage on Subsequent Party Coverage. Political Communication, 38(6), 672–690.